Comme la plupart de ceux qui ont du mal à concilier gourmandise et économie, j’ai longtemps fait les frais de mon manque d’organisation, et j’ai soit trop dépensé, soit pas assez bien mangé. Et puis j’en suis venue à goûter à différentes façons de planifier, de choisir, d’acheter et de cuisiner. Et j’ai ainsi réussi à réenchanter mon assiette sans pour autant dilapider mon compte en banque. Voilà pourquoi je vous l’affirme avec grand plaisir : la faim ne justifie pas forcément les moyens. Et on peut arriver à manger à la fois moins cher et mieux en prenant simplement la peine de composer ses listes de courses et ses repas différemment. Alors maintenant que je vous ai mis l’intro à la bouche, il ne me reste plus qu’à vous développer la façon dont il faut s’y prendre pour appréhender son budget moins impulsivement, et avec l’esprit ouvert.
Gérer un budget alimentaire, c’est une mission d’équilibriste. Et si on veut s’épargner la chute fatale qui nous fait tomber dans le rouge des raviolis en boîte et dans la déprime de la biscotte ramollie, il y a tout bonnement deux choses à faire. D’abord, se défaire des mauvaises habitudes qui nous coûtent souvent trop cher pour pas grand chose. Et puis ensuite, apprendre à adopter de nouveaux réflexes afin de ne pas obligatoirement en passer par le beurre pour apprécier les épinards.
Faire ses courses (ou même sa liste de courses) alors qu’on a le ventre qui gargouille et que le frigo est désespérément vide, ce n’est jamais une bonne idée. D’abord, parce que la faim donne davantage envie de se gaver d’emplettes toutes prêtes, par conséquent plus chères et pas forcément super saines (comme un poulet rôti dans le gras de ses frites dont l’odeur nous nargue à proximité des caisses, ou une pizza quatre fromage qui nous promet vainement d’être aussi bonne qu’au restaurant). Ensuite, parce que l’urgence ne nous permet pas de prendre le temps de réfléchir et de planifier.
En fait, ce n’est absolument pas sorcier : pour s’organiser mieux et moins cher, il faut se trouver en mesure de penser tranquillement, non seulement au repas de tout à l’heure, mais aussi à ceux de demain, d’après-demain et du reste de la semaine. Et il faut pouvoir se donner le temps de trouver une façon de rendre une envie, de prime abord inabordable, suffisamment accessible pour qu’on puisse se l’offrir sans trinquer.
Je suis évidemment d’accord avec vous : c’est ce n’est pas toujours très réjouissant de devoir s’agenouiller au niveau du rayon discount en observant les autres papillonner du côté des grandes marques. Mais je vous pose la question quand même : est-ce que ça reste toujours un réel plaisir de remplir son panier avec des logos et des emballages, une fois qu’on a réalisé qu’on se retrouve, une fois à table, avec une assiette qui contient davantage de marketing que de nutriments ? Vous en conviendrez alors, vu comme ça, il devient plus tenant d’arrêter de rester bloqué sur l’esthétique que l’on convoite et de commencer à se satisfaire de la composition réelle de ce que l’on choisit.
Cela étant, il nous reste encore à savoir comment gérer les tentations saisonnières qui nous titillent aux abords des étals de fruits et de légumes… Parce que c’est si bon d’avoir envie d’une pastèque sans pépins ! Et que c’est si beau de cuisiner sa viande dans de jolies courgettes bien rondes… Mais ne pourrait-on pas se contenter d’une seule tranche de pastèque ? Et nos courgettes farcies, ne seraient-elles pas toutes aussi bonnes dans des courgettes moins coquettes ? Je vous le donne en mille :
la frustration, ça parait difficile, mais ce n’est pas aussi insurmontable que ça en a l’air.
Si vous ne vous en étiez pas encore rendus compte, votre ticket de caisse vous le confirmera : le foie gras, les morilles et la lotte, c’est cher, et les pâtes, les carottes et le thon en boîte, ça l’est moins. Alors au delà de l’évidence que je vous rappelle, et qui consiste à ne pas faire tourner votre alimentation autour des produits qui salent considérablement votre addition, j’attire plus sérieusement votre attention sur le fait que vous feriez bien de partir à la chasse aux aliments les moins chers, et de creuser votre imagination (ou celle des autres) pour trouver mille et une façons de vous les cuisiner agréablement.
Pour ma part, depuis que j’ai constaté combien je pouvais aimer les lentilles (qui au passage s’achètent aussi bien vertes que jaunes, corail, brunes ou même d’un noir épatant), j’ai grand plaisir à les utiliser dans de nombreuses recettes, qu’il s’agisse de salades, de soupes, de poêlées, de potées ou même de risottos. Et depuis que j’ai réalisé que mes papilles ne se sentaient pas si flouées que j’aurais pu le croire en remplaçant une escalope Rossini garnie de foie gras poêlé (voire accompagnée d’un lit de cèpes et d’une sauce au cognac) par une plâtrée de spaghetti parfumés de quelques gouttes d’huile de truffe (voire garnie d’une poêlée de champignons de Paris persillés), je me sens parfaitement bien dans mon assiette, et mon porte-monnaie approuve aussi gaiement que moi.
Ce n’est pas parce que les yaourts aux fraises ne sont pas chers chez Machintruc, qu’ils ne peuvent pas l’être encore moins chez Tartempion. Alors pour savoir à quel endroit les produits dont vous raffolez le plus se trouvent être le plus abordables, il ne faut pas hésiter à conserver vos tickets de caisse et à les confronter les uns aux autres. (J’insiste particulièrement sur cet aspect, dans la mesure où je viens de me rendre compte que je n’ai plus aucun intérêt à continuer de remplir mon caddie dans mon supermarché discount, puisque je les trouve plus facilement et moins chers dans le supermarché d’à côté).
Mieux vaut retourner faire deux-trois courses que de gâcher la moitié de ses achats à la poubelle ou de les collectionner dans un placard. Alors réalisez bien que quand vous vous approvisionnez pour une semaine, il se peut que vous ayez, une fois la semaine avalée, un peu de rab pour démarrer la semaine suivante. Et ça, au fur et à mesure, on apprend à le rationnaliser. (J’insiste particulièrement sur cet aspect, dans la mesure où je viens de me rendre compte que mon placard contient des bouteilles de ketchup que je conserve depuis l’an 2000, ainsi qu’une demie douzaine de sauces pour pâtes qui ne m’ont jamais « dépannée » comme je l’avais imaginé).
Et puis pour finir, puisqu’on aborde le moment où on en fait trop, je me dois de vous rappeler qu’il n’y a rien d’ennuyeux ou de dégradant à réutiliser ses restes, dans la mesure où l’on prend la peine de devenir un(e) pro du recyclage culinaire. Des grands classiques tels que les burgers, les omelettes, les risottos, les soupes et les pizzas se feront ainsi un plaisir de remettre au goût du lendemain des restes tels que votre poulet rôti d’hier, votre poêlée de légumes d’avant-hier, ou encore votre plâtrée de coquillettes de ce midi.
En espérant vous avoir donné envie de repenser à la fois vos emplettes et votre assiette, il ne me reste plus qu’à vous souhaiter tout le bonheur possible en compagnie de votre caddie, de votre imagination et de votre appétit !